28 Décembre 2019
L'un des droits les plus précieux de l'être humain est celui de communiquer librement ses pensées et ses opinions. Dans les sociétés démocratiques, la liberté de parole est non seulement garantie, mais elle s'accompagne d'un autre droit fondamental : celui d'être bien informé. Or ce droit est mis à mal.
Quelques causes
La concentration des médias
Depuis plusieurs années, la baisse des ventes des quotidiens et la diffusion des journaux gratuits ont développé le regroupement des titres de presse et avec lui l'entrée de grands groupes dans le capital des sociétés de presse.
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Ces personnes ont toute puissance, pas seulement celle de l’argent, mais celle que l’argent peut donner sur les esprits. Ce pouvoir est réuni entre les mains des mêmes personnes, qui détiennent le contrôle des grands groupes de communication : l’ensemble des instruments de production et de diffusion des biens culturels.
Toutes ces concentrations ont détruit le pluralisme de la presse. Elles ont privilégié la rentabilité, ont placé aux postes de commande des gestionnaires dont le souci est surtout de répondre aux exigences des investisseurs. Elles ont réduit le nombre de journalistes d’investigation et privilégié la production d’informations rapides peu coûteuses en temps humain.
Le marché médiatique est spécifique, car un média est vendu deux fois :
- comme tous les produits par ses clients directs (lecteur, spectateur...)
- une seconde fois aux publicitaires qui eux s’intéressent au pouvoir d’achat de ces clients lecteurs..... Cette deuxième vente a pris un poids important.
La concurrence
Selon le discours tenu par les détenteurs du pouvoir médiatique, la concurrence serait synonyme de création.
En fait on constate plutôt une uniformisation, prenons l’exemple des programmes de télévision : diffusion du même type de produits, jeux, musique commerciale, séries sentimentales, policières… Comme on ne veut pas être en reste, qu’on veut récupérer les consommateurs d’un certain type de produit, on reproduit et on ne crée pas.
Le phénomène est comparable pour la presse, les journaux télévisés. Des équipes d’envoyés spéciaux parcourent le monde. Chacun se surveille, car il faut avoir l’information avant tout le monde. C’est ainsi que si plusieurs événements surgissent simultanément dans le monde, il n’y en aura qu’un de couvert : celui qui aura attiré toutes les équipes ! Tous les journaux traitent les mêmes sujets, seule l’importance accordée peut varier d’un média à l’autre, avec les unes, les premiers titres… Tous les médias se copient les uns les autres : les journaux suivent le ton de la télé, les nouvelles se plagient les unes les autres.
De plus, l’information en continu, en boucle impose un nivellement de tous les faits.
En effet, sur ces chaînes (LCI, BFM, CNEWS…) le téléspectateur reçoit un flot incessant qui déverse sans aucune hiérarchie : résultats sportifs, conflits sociaux, faits divers spectaculaires, scoops de vie privée de stars, bulletins météo, communiqués politiques… Des infos brutes qui se disent neutres, mais dans lesquelles les lectures politiques, écologistes, économiques, historiques ne trouvent pas leur place.
Toutes les productions d’informations sont traitées comme des marchandises obéissant à la loi universelle du marché et de sa sacrosainte compétitivité écrasant toutes les règles civiques et éthiques.
Les investisseurs doivent en avoir pour leur argent et le plus rapidement possible, de plus il faut les garder, voire les attirer et la recherche de « bonnes notes » devient indispensable : l’audimat pour le journal télévisé, le nombre de cadres publicitaires, le nombre de ventes…
Voir ou savoir ? Voir ou comprendre ?
Là n’est plus la question. Les journaux télévisés cherchent plutôt à amener le spectateur à regarder les événements d’une certaine manière : banaliser les catastrophes, certains phénomènes économiques ou au contraire en exaspérer d’autres pour entretenir la peur.
Quand la misère, le chômage, la maladie sont traités, ils sont banalisés par des chiffres et des statistiques puis commentés par quelques experts, des personnes désignées compétentes par les politiques et qui deviennent des professionnels des plateaux. Le citoyen subit passivement le flot d’informations qui lui fait confondre voir et savoir, voir et comprendre.
Les médias renforcent le sentiment d’impuissance et de résignation du citoyen. D’abord en véhiculant la vision d’un monde devenu trop complexe, donc incompréhensible et intransformable, puis en ayant recours aux experts pour finir de convaincre le citoyen lambda qu’il n’a pas son mot à dire.
La faiblesse du débat démocratique
La presse écrite a une mission d’investigation, de débat, mais elle se réduit comme peau de chagrin... et de plus en plus, les émissions et les journaux jouent plutôt sur le spectacle que sur la construction d’une pensée collective sur une question donnée.
Les citoyens peuvent-ils se réapproprier l’information ?
La participation des citoyens est réduite aux sondages qui empêchent la construction d’une intelligence collective puisque l’individu est isolé dans sa pensée tant pour celui qui donne son avis que pour celui qui reçoit les résultats. Ces sondages, sous des couverts démocratiques d’écoute de spectateurs, de lecteurs servent donc surtout à justifier les contenus de sujets que les journaux souhaitent traiter.
Oui, les citoyens peuvent se réapproprier les médias
Certains médias sur internet développent la participation de leurs lecteurs. Mais qui s’approprient ces espaces participatifs ? Ceux qui ont le temps, ceux qui ont une certaine formation, ceux qui ne regardent jamais la télévision ou alors avec l’esprit critique ? Certainement pas tous les citoyens !
Quelques propositions :
- Mettre en œuvre dès l’enfance des pratiques de participation démocratique, d’analyse critique des médias, de production d’informations que ce soit à l’école, dans les centres de loisirs ou au sein des associations culturelles et sportives. Ces pratiques existent déjà portées par des militants pédagogiques et d’éducation populaire. Les ESPÉ (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation) leur ouvriront-elles leurs portes ?
- Développer des espaces de démocratie participative, où réfléchir ensemble, construire ensemble, gérer ensemble forme des espaces de résistance, d’innovation et de création. ;
- Sortir de l’emprise marchande qui étouffe l’univers médiatique : se tourner vers des formes d’économie sociale et solidaire reposant sur des pratiques coopératives, de partage et de mutualisation de l’information avec la participation des lecteurs, auditeurs... des activités qui renforceraient le lien social.
- Mutualiser, échanger ses savoirs : le monde est complexe, mais ne pas laisser sa lecture aux seuls experts. C’est un devoir de sortir de son laboratoire, de son université, de sa bibliothèque, de son entreprise, de chez soi pour extérioriser et mutualiser ses savoirs. Chaque citoyen a de nombreux savoirs (savants, culturels, techniques, artistiques, sociaux...) et chacun peut être à la fois transmetteur et récepteur de savoirs.
… et tout ce qui permet à l’homme, la femme, l’enfant de reprendre la main sur la lecture du monde !
Utopie ? Oui, mais n’est-ce pas elle qui permet d’avancer, de créer, de réaliser… ?
Et quelques jours avant une nouvelle année, un 20/20 de bonnes résolutions ne nous est-il pas offert ?