24 Avril 2020
Il est utile de rappeler l’importance de la défense des droits de l’enfant pendant cette période de confinement.
Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, le 21 mars dernier annonce : « les enfants en danger et les enfants protégés doivent faire l’objet d’une vigilance encore plus forte afin que l’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés ne conduise pas à aggraver leur situation ».
L’objet de la vigilance doit s’étendre à tous les enfants, car tous verront leur condition se dégrader.
Tous sont en danger, car plus le confinement est long, plus les adultes risquent de devenir maltraitants
Les enfants déjà victimes de maltraitance physique, d’inceste se retrouvent sans échappatoire : impossible de sortir, de fuir quelques heures. Plus d'école, de collège, de lycée…
Avec l’école à distance, les détections de situations de danger deviennent rares et donc les protections sont difficiles à mettre en place.
Le travail scolaire à la maison peut être source de tensions, de conflits et donc de violences.
Et pour ceux « en danger » et relevant de la protection qu’en est-il du confinement ? Notamment pour :
Les mineurs étrangers abandonnés à eux-mêmes sans statut administratif vivent dans l’angoisse de l’approche de la majorité et n’ont plus que la rue.
Les enfants placés
- dans des familles d’accueil, il est difficile de recueillir des informations sur leur situation, il reste juste le téléphone pour contacter les assistants familiaux.
- dans les foyers de l’Aide sociale à l’enfance, ils se retrouvent confinés dans les établissements, ce qui peut être difficile à vivre car les droits de visite de leur famille sont suspendus. Et pour les foyers qui ferment, les enfants retournent dans leur famille sans préparation.
Leur prise en charge s’arrête à 18 ans, certains se retrouvent à la rue, on estime qu’un SDF sur quatre est un ancien enfant placé. Depuis le début du confinement, le gouvernement a prolongé la prise en charge jusqu’à 21 ans pour qu’ils ne se retrouvent pas à la rue, mais cette mesure s’arrêtera à la fin du confinement…
Les enfants et les jeunes délinquants
L’entretien téléphonique ne suffit pas. Ils ont peu de lien effectif avec les professionnels de la justice, car peu de moyens matériels et techniques.
Ceux qui sont détenus ne sont pas protégés, les « gestes barrières » sont difficiles à respecter. La promiscuité est partout et les visites familiales et les activités sont supprimées. L’enfermement est encore plus insupportable.
Les enfants en situation de handicap
Près de 65 000 enfants en situation d'handicap ont dû rentrer chez eux depuis le début du confinement. Une épreuve pour ces enfants qui voient leur quotidien bouleversé. Les centres spécialisés dans la prise en charge des enfants handicapés ont aussi fermé leurs portes.
Tous les enfants sont des objets de protection, mais ils sont rarement considérés comme sujets de droit
Par exemple, les recueils de ses observations et les auditions sont rarement réalisés alors que le droit d’être entendu, de donner son avis est un des quatre principes fondamentaux de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE)1 : la non-discrimination ; la priorité donnée à l'intérêt supérieur de l'enfant ; le droit de vivre, de survivre et de se développer ; le respect des opinions de l'enfant.
Non seulement on retrouve le respect, mais l’expression et l’écoute des opinions de l’enfant dans deux articles de la CIDE :
Article 12
1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
Article 13
1. L'enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l'enfant.
Pourtant toutes les mesures prises dans tous les lieux que fréquente l’enfant pendant le confinement ne lui ont pas été proposées pour recevoir son avis que ce soit pour celui qui est considéré en danger et en protection, comme celui qui vit en famille
Alors, est-ce que la parole des enfants est entendue dans tous les projets de loi, de mesures qui les concernent, et également dans tout qui concerne l’adulte et a des retombées sur eux ?
Et bien non !
La France qui a pourtant ratifié la CIDE est une élève très moyenne, les enfants devraient être auditionnés par les députés, les sénateurs, les élus… pour tous projets. En amont pour leur élaboration et en aval pour leur évaluation.
Un exemple récent, la semaine scolaire où l’enfant a du s’adapter au temps de l’adulte et selon le milieu social, subir de plein fouet les inégalités : pour certains des centres d’activités culturelles et de loisirs et pour d’autres la rue et les bas d’immeuble !
Au niveau local, il y a certes des Conseils municipaux d’enfant, mais ils ne sont guère sollicités sur de tels sujets. Et puis qu’en est-il de leur représentation ? Sont-ils vraiment les porte-paroles des propositions de leurs camarades réunis dans les classes, les établissements scolaires, les centres de loisirs… ?
Et dans les Conseils de quartier, quelle représentation des enfants ?
Pour beaucoup d’adultes, les droits protecteurs certes, mais les droits émancipateurs, il ne faut pas exagérer !
Peut mieux faire !
Le confinement érode-t-il les quatre principes fondamentaux de la CIDE ?
La réponse est positive pour de nombreux enfants qui pourtant n’entrent pas dans la catégorie des enfants « en danger » et « protégés » évoqués par Adrien Taquet :
Ceux qui supportent des parents énervés voire maltraitants
Ceux qui ont des parents séparés et n’en voient plus qu’un
Ceux qui ont des repas irréguliers, peu équilibrés
Ceux qui vivent très nombreux dans un petit appartement, voire une seule pièce
Ceux qui vivent dans des tours
Ceux qui ne bénéficient pas d’aide au travail personnel de l’école à distance
Ceux qui n’ont pas accès à cette école à distance
Ceux qui n’ont pas de livres
Ceux à qui on ne lit pas d’histoire
Ceux qui n’ont pas de matériel informatique
Ceux qui n’ont pas de jeux, de jouets, de feuilles de dessin…
Ceux qui n’ont pas d’espace pour travailler, s’isoler, jouer, lire, dessiner …
Ceux qui ne voient jamais la nature
Ceux qui…
Ces inégalités de vies confinées vont encore aggraver les inégalités ordinaires.
Le monde éducatif doit en être conscient, non seulement pendant ce temps de confinement, mais après et longtemps après. Ce monde devra donner encore plus à ceux qui auront eu le moins.
Pas plus d’évaluations et de séries d’exercices !
Mais des temps de lectures, d’expression, d’arts, de musique, de sorties, de découvertes de la nature, de voyages…. avec une pédagogie humaine, coopérative, attentive, compréhensive qui prend le temps d’aimer et d’être aimée des enfants et des adultes.
Les droits de chaque être humain, donc de chaque enfant ne s’exercent que s’ils sont assurés pour chacun. 2
2 - Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.