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3 Février 2023
Le projet d'une nouvelle loi pour « contrôler l'immigration et améliorer l'intégration » se profile en 2023 avec notamment la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, une carte de séjour « talent » pour les médecins étrangers, l'éloignement facilité en cas de menace grave à l'ordre public, une réforme de la Cour nationale du droit d'asile... Gérard Darmanin nous explique le projet « Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils. »
Et pourtant lui, comme nous tous sommes des enfants de migrants
Depuis le début de l'humanité, les humains ont migré pour s'adapter aux changements climatiques, se nourrir, pour fuir les persécutions, les invasions, les guerres, les crises économiques... Plus récemment quitter son village, son département, sa région, pour trouver du travail, construire une nouvelle vie. Avant nous, il y a eu nos parents, nos grands-parents... nous sommes tous des descendants de migrants.
Ne pas oublier notre histoire pour regarder ces hommes, ces femmes, ces enfants comme des humains tout simplement.
Aujourd'hui, les conflits armés, les crises politiques, la misère économique, les dérèglements climatiques poussent des millions d'hommes, de femmes et d'enfants à fuir leur pays.
Dans le monde, ainsi plus de 68,5 millions de femmes, d’hommes et d’enfants quittent leur habitat, leur terre, leur famille. La grande majorité de ces migrants se retrouvent dans les pays les plus pauvres, pour ceux qui arriveront dans les pays les plus riches, moins de 10 % d'entre eux seront reconnus comme réfugiés.
Migrant ou réfugié ?
« Migrant » est le mot le plus courant, mais il provoque des lectures différentes. Certaines dissocient les migrants « économiques » des migrants « politiques » obligés de se déplacer. Certaines politiques utilisent cette séparation pour proposer des lois inhumaines et protectionnistes.
Pour beaucoup d’organisations, seuls les demandeurs d’asile ayant eu une réponse positive peuvent être déclarés réfugiés.
Peu de demandeurs d’asile ont une réponse positive (à peine le tiers), les migrants déboutés, ceux qui n’ont pas entamé de démarche (faute d’aide, par crainte…), ceux qui veulent rejoindre un autre pays vivent clandestinement en espérant ne pas être expulsés.
Mais avant d’être demandeurs d’asile, il faut déjà arriver dans le pays !
Beaucoup périssent en mer, dans les embarcations surchargées, d’autres ne survivent pas au froid et à la neige dans les cols frontaliers. Les pays européens ne sont pas tous accueillants !
Ces migrations vont se développer dans les prochaines années, il est temps que les pays développés ouvrent les yeux et leurs frontières et rendent les procédures d'accueil justes et accessibles en respectant la dignité de chaque être humain.
Et réfléchissons !
Aujourd’hui, en dehors des victimes de la guerre en Ukraine, ce sont surtout les populations des pays en voie de développement et ceux qui sont soumis aux extrémistes religieux qui migrent.
Et demain ?
Ce seront peut-être les populations des pays développés qui migreront pour fuir les terres inondées par l’élévation du niveau des océans ou ravagées par les incendies ou désertifiées.
Écrit en 1951, à relire avec ce projet de loi sur l’immigration et l'intégration qui méprise la fraternité tellement présente dans ce poème de Jacques Prévert :
Étranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes des pays loin
cobayes des colonies
Doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polacks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou bien du Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd’hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez.
Jacques PRÉVERT - Grand bal du printemps
(La Guilde du Livre, 1951 ; Éditions Gallimard, 1976)