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Education, droits de l'enfant, écologie, société...

Le collège, une réforme sans avenir ?

Le collège, une réforme sans avenir ?

Le 12 juin 2016

Au vu des réactions parfois agressives, qui ne faiblissent guère pour certains, la réforme du collège – bien que très timide – révèle tout simplement l’état de notre société où le terrible « chacun pour soi » a le vent en poupe et le « à tout le monde », bat de l’aile. Le concept d’intérêt général et la notion de bien commun s’estompent un peu tous les jours. Et le monde enseignant n’est pas en dehors de la société.

Tout est bon pour protéger et assurer le meilleur avenir pour son enfant, quand on en a les clés bien sûr : dérogation de carte scolaire, options, choix des langues qu’elles soient vivantes ou anciennes, jusqu’au choix du privé si on a les moyens. Sans oublier les suppléments hors scolaires qu’ils soient de renforcement ou culturels. La séparation et le repli sur soi… avec ceux qui nous ressemblent sont largement partagés.

La fronde contre la réforme a démarré avec la défense des enseignements optionnels et des  langues, défense de sa discipline certes, mais en dehors de l’intérêt général des élèves… Les médias s’en sont emparés avec délice, ce qui a empêché de creuser et de questionner les autres points de la réforme qui, selon Najat Vallaud-Belkacem, devaient répondre au constat révélé par différents rapports : le collège « est profondément inégalitaire, triant les élèves davantage qu’il ne les accompagne dans la réussite ».

Un système inégalitaire et séparatiste

Le collège est tout simplement le révélateur de notre système éducatif : les résultats restent convenables (OCDE) pour les bons et très bons élèves… mais le nombre d’élèves qui peinent à avoir les savoirs de base augmente. Du coup, pour les bons élèves qui profitent si bien de notre École, nous avons tendance à penser que c’est tout ce qu’ils apprennent en dehors d’elle qui le permet...

Conscient des inégalités scolaires qu’il produit, notre système éducatif développe la politique d’éducation prioritaire pour tenter de compenser ces inégalités. Et même là, l’Éducation nationale cherche à capter les plus méritants avec le parcours d’excellence proposé par sa ministre dans les REP (Un parcours d'excellence, pour tous, tout le temps et partout, c’est possible !)

Le système est inégalitaire dans ses formes d’enseignement, mais il est également inégalitaire par l’absence de mixité sociale et scolaire : « C’est pourquoi la mixité sociale et scolaire au sein des classes fait l'objet d'une attention spécifique » rappelle Najat Vallaud Belkacem.

Il y aura donc des expérimentations avec la création de secteurs communs à plusieurs collèges pour favoriser la mixité sociale. « Sur la base d’un diagnostic partagé, de nouveaux secteurs de recrutement des collèges seront définis pour regrouper plusieurs établissements et favoriser ainsi une meilleure mixité sociale dans la procédure d'affectation » Même si ces expérimentations se généralisent, ce sera insuffisant s’il y a toujours une absence de mixité scolaire dans les établissements – une ségrégation encore plus visible pour les jeunes puisque le système trie devant eux. Le sentiment d’injustice est alors très fort et nuit vivement au travail et au climat scolaires… et le défaitisme gagne un certain nombre d’élèves qui décrochent.

Pour l’étude des langues – pour des raisons pratiques, entend-on –  on regroupe les enfants, selon les choix, dans les mêmes classes. Quant aux sections internationales, elles ne sont pas supprimées (pour de bonnes relations européennes entend-on). Les enseignements spécifiques à ces sections sont maintenus dans les formes actuelles avec la même finalité : l'apprentissage d'une langue étrangère de façon plus approfondie. Ce qui fait provoque de nouveau une séparation des élèves à l’entrée de ces classes… sur des critères de bons résultats, trop rarement sur le désir personnel de l’élève.

Même au-delà des langues, des classes sont encore constituées d’une manière peu égalitaire…

Et il y aura aussi les élèves qui se projettent en voie professionnelle qu’on pourra regrouper en « 3e Prépa-Pro ».

Entre les choix de langues, l’orientation professionnelle et les parcours d’excellence, la mixité qu’elle soit scolaire et sociale n’est pas pour demain !

Pourtant on sait – par différentes études universitaires, en observant certains systèmes éducatifs étrangers –, que la coopération, l’absence de compétition, le droit à l’erreur, le choix d’une évaluation qui valorise au lieu de juger et de sélectionner, la continuité des enseignements sans rupture annuelle, le mélange des âges et des niveaux scolaires, une orientation tardive, des disciplines qui se croisent, des situations pédagogiques qui permettent l’investissement, l’engagement de chaque élève, un établissement lieu « d’apprentissage, de vie, de démocratie »… donnent des résultats. Mais cela ne se réalise pas avec un coup de baguette magique, par un décret, une circulaire…

Pour l’instant et en l’état, la réforme ne supprimera pas : la compétition, l’évaluation notée et comparative, la stigmatisation des erreurs avec le sentiment d’être nul, les ruptures annuelles, le cloisonnement des disciplines (même s’il y a quelques EPI), la transmission verticale, l’orientation précoce, les séries prestigieuses au lycée… qui déterminent le tri précoce au collège.

Certes, utiliser ce qu’il y a comme avancées dans le texte de la réforme, mais aller beaucoup plus loin !

Quelques leviers possibles pour transformer, réformer le collège

Une autre évaluation

Une orientation repoussée

Un collège pour vivre et apprendre ensemble

Un collège pour réfléchir et enseigner ensemble

Une formation repensée

 

Une autre évaluation

Le peu de courage de la ministre avec des reculs sur l’évaluation laissent deux systèmes s’épanouir parallèlement (Renoncements face à l’évaluation )

Plus de notes, avait annoncé la ministre comme c’est actuellement le cas « dans  80 % des écoles primaires », mais au vu des réactions, elle accepté de laisser les enseignants libres d’utiliser des notes chiffrées sur les bulletins trimestriels (et non en appréciant uniquement par compétences).

Pourtant, ce n’est pas parce qu’il n’y aurait plus de notes qu’il n’y aurait pas d’appréciation, ni d’évaluation.

L’évaluation revêtirait alors trois aspects importants : l'évaluation de l'élève par lui-même (auto-évaluation), l'évaluation par le groupe, la classe et l'évaluation par l’enseignant.

L'interaction de ces trois aspects aboutirait à une autre sorte d’évaluation (donner de la valeur et valoriser) qui profiterait en premier à la personne.  

Mais dans le décret, il n’y aura qu’à la fin de chaque cycle que les acquis des élèves seront mesurés selon une échelle de quatre niveaux : maîtrise « insuffisante », « fragile », « satisfaisante » ou « très bonne maîtrise » avec un « bilan global sur les huit champs d’apprentissage du socle ». Les notes ont donc un bon avenir !

La nouvelle mouture du brevet maintient des épreuves terminales qui font de lui une sorte de petit bac et laisse encore trop de place au bachotage en classe de troisième, ce qui est contradictoire avec la logique des cycles et même nuisible à la qualité des apprentissages.

Mettre en place des formes explicites d’évaluation et l’inscrire dans le projet d’établissement.  

 

Une orientation repoussée

« Les élèves qui manifesteraient dès la classe de quatrième, des besoins spécifiques qui les amèneraient à poursuivre dans une filière professionnelle à l'issue de leur scolarité au collège, auront toujours la possibilité d'être scolarisés dans une classe de “3e Prépa-Pro”. Cette classe doit permettre aux élèves de construire de façon plus active leur projet de formation et d'orientation grâce aux 4 h d'enseignements complémentaires qui seront exclusivement réservées à ce sujet. »

Pour l’instant, au lieu de proposer un cheminent d’apprentissage à chaque enfant, le système éducatif projette dès la maternelle son entrée – ou pas – dans les études supérieures. Même quand les élèves restent dans les mêmes classes (quand il n’y a pas de classes de langues ou autres…), les destinées scolaires se tracent très tôt, et le « ce n’est pas pour moi » s’ancre chez l’enfant même dès le primaire. Les élèves sont à côté les uns des autres, en compétition, ils n’apprennent pas ensemble. C’est le chacun pour soi et la fameuse égalité des chances pour tous !

L’enfant puis l’adolescent intériorise ses échecs et perd confiance en lui-même, mais aussi envers les adultes et il se détache petit à petit du système scolaire pour enfin décrocher…

Un lycée polyvalent, polytechnique pour repousser l’orientation avec un cursus unique de culture générale et technologique (mais il faudrait que les pratiques pédagogiques évoluent également dans le même sens et en même temps au collège et à l’école primaire).

Une orientation explicite pour les élèves et pour les parents

Une autre évaluation pour ne pas confisquer le choix de l’orientation.

 

Un collège pour vivre et apprendre ensemble

· Une entrée progressive dans le secondaire

Favoriser les continuités

Le nouveau cycle 3 aurait pu être plus ambitieux pour atténuer la rupture entre l’école élémentaire et le collège : le passage d’un maître à la pluralité de professeurs, l’accroissement de la quantité de et la complexité du travail. Viser l’adaptation progressive à un autre environnement pédagogique, social, matériel et temporel.

Ce qui demande de la concertation, de la construction d’outils (l’évaluation par exemple), des projets communs entre les professeurs des deux établissements.

L’accompagnement personnalisé aurait alors tout son sens :

« Toutes les disciplines d'enseignement peuvent contribuer à l'accompagnement personnalisé. Il est destiné à soutenir la capacité des élèves à apprendre et à progresser, notamment dans leur travail personnel, à améliorer leurs compétences et à contribuer à la construction de leur autonomie intellectuelle. Les professeurs documentalistes et les conseillers principaux d'éducation, dans leurs champs de compétences respectifs, ont vocation à apporter leur expertise dans sa conception et à participer à sa mise en œuvre. »

L'accompagnement personnalisé prend des formes variées : approfondissement ou renforcement, développement des méthodes et outils pour apprendre, soutien, entraînement, remise à niveau. Quelles que soient les formes retenues, il repose sur les programmes d'enseignement, dans l'objectif de la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, notamment le domaine 2 « les méthodes et outils pour apprendre ».

Pour le cycle 3 (qui pourrait inclure les 5e) les élèves auraient une salle spécifique où ils pourraient laisser leurs matériels, manuels, cahiers…, ils pourraient y effectuer leurs travaux personnels entre ou après les cours… moins de déplacements, de cartables chargés… ils changeraient de salles pour les pratiques artistiques ou scientifiques si besoin.

Les enfants auraient un nombre réduit de professeurs qui réuniraient plusieurs disciplines.

Le cycle 4 pourrait progressivement augmenter le nombre de professeurs, voire les salles autant que besoin.

 

· Le travail en petits groupes et en équipe des élèves

« La forme courante d'organisation en classes peut être remplacée temporairement par d'autres formes de regroupements, dont l'objectif doit être de favoriser les pratiques pédagogiques différenciées.

Les groupes à effectifs réduits ont vocation à être constitués en priorité pour les sciences expérimentales, la technologie, les langues vivantes étrangères, les langues régionales et l'enseignement moral et civique. »

Pouvoir travailler en petits groupes, mettre en place des groupes multi-âges qui permettraient l’aide entre pairs. Par exemple travailler en géométrie selon ses besoins avec un groupe et travailler en grammaire avec un autre groupe…. Ne pas seulement les déterminer selon des horaires disciplinaires.

Des plages horaires plus longues

« L'établissement peut réfléchir à la mise en place d'une organisation du temps scolaire visant à réduire dans la journée et la semaine le nombre de séances, afin de limiter le morcellement des temps d'apprentissage. Des séquences d'une heure et demie peuvent constituer des temps d'apprentissage efficaces. »

« Les enseignements pratiques interdisciplinaires concernent les élèves du cycle 4. Ils permettent de construire et d'approfondir des connaissances et des compétences par une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective (qui peut prendre la forme d'une présentation orale ou écrite, de la constitution d'un livret ou d'un carnet). »

Les projets pourraient être initiés par les élèves dans les classes, ils peuvent concerner toute la classe, comme une partie. De l’élaboration, à la détermination des différentes étapes, aux ressources à utiliser, aux exigences administratives, juridiques… au suivi et au bilan. Tout un travail d’équipe et de coopération, un exercice de l’initiative et de la citoyenneté. Dommage qu’ils ne concernent pas le cycle 3.

 

· Des temps et des espaces en dehors des heures et salles de cours

- Des lieux conviviaux

- Des lieux de travail personnels où la coopération et l’entraide entre pairs seront possibles avec des ordinateurs et de la documentation à disposition.

L’aide que peuvent recevoir les élèves dans leur famille constitue un puissant facteur d’inégalités. La solution la plus équitable est d’intégrer le temps des travaux personnels au temps de l’école, en dégageant des temps et des espaces pour les élèves, des moments accompagnés par des membres de l’équipe éducative.

« L'organisation du temps scolaire doit être attentive au travail personnel qui est demandé aux élèves en dehors des temps d'enseignement. Le conseil pédagogique doit intégrer cette dimension dans sa réflexion »

- Des temps démocratiques institutionnalisés (Conseils de classe ou/et de niveau d’élèves, d’administration…)  À suivre, car ils devraient être développés à lire les textes, mais comment ? Selon les bonnes volontés locales ou pour tous les collèges ?

« Les conseils de délégués pour la vie collégienne sont des lieux d’apprentissage de l’exercice de la démocratie. Ils seront développés dans chaque collège. Indissociable de la transmission d’une culture de la presse et de la liberté d’expression, l’éducation aux médias et à l’information est un enseignement intégré de manière transversale dans les différentes matières. Un média – radio, journal, blog ou plateforme collaborative en ligne – est développé dans chaque collège. »

- Des temps de repas et de repos plus longs

La journée est le premier niveau de l'organisation du temps scolaire. Les enseignements doivent être répartis de façon équilibrée entre la matinée et l'après-midi, en veillant au respect d'une pause méridienne d'au moins une heure et demie.

Il manque d’ailleurs dans le texte de la loi sur les instances collégiales la place des  élèves, qu’on retrouve dans le Conseil d’administration où sont présentées « les modalités de la participation des élèves et de leurs représentants légaux au choix des thématiques interdisciplinaires qui seront suivies (progression en partie ou totalement imposée par l'établissement, ou libre-choix des élèves). »

 

Le collège pour réfléchir et enseigner  ensemble

· Le travail d’équipe des professionnels

            Le travail d’équipe est indispensable pour casser les séparations disciplinaires, les logiques strictes des programmes, pour favoriser les pratiques d’interdisciplinarité, les regards croisés, l’échange de savoirs (les connaissances et aussi les savoirs faire et être)…

Développer la coopération avec toutes les parties prenantes, créer des lieux pour les rencontres et les concertations.

 Donner du temps pour ces concertations et les prévoir dans les emplois du temps, y associer les élèves.

Le professionnalisme certes, mais sans formation continue et sans temps et espaces de concertation pour un véritable travail d’équipe, est figé dans le temps et ne progresse pas. L’établissement comme lieu de formation…

« Les choix faits par les équipes doivent permettre une organisation équilibrée de l'emploi du temps des classes et des enseignants. Le travail en équipe s'appuie notamment sur les instances collégiales existantes. En fonction des besoins exprimés par les équipes, les chefs d'établissement doivent s'employer à dégager des plages horaires libres communes, qui facilitent le travail collectif, car elles sont anticipées et placées sur des temps compatibles avec l'organisation personnelle de chacun.

L'organisation du collège renforce l'autonomie des établissements et des enseignants et par conséquent leur capacité d'adaptation aux besoins et aspirations des élèves. Les pratiques différenciées s'enrichissent de toutes les innovations et initiatives pédagogiques des équipes enseignantes. »

La participation de tous les adultes de l’établissement aux projets, les partenariats sont à favoriser.

« Les professeurs documentalistes et les conseillers principaux d'éducation, dans leurs champs de compétences respectifs, ont vocation à apporter leur expertise dans leur conception et à participer à leur mise en œuvre. »

 

Repenser la formation

Une formation initiale différente, et surtout continue, pour les enseignants avec des modules communs avec les différents professionnels de l’éducation.

Viser la construction d’un praticien réflexif.

Mettre en situation de coopération les étudiants au lieu de favoriser la compétition : démarches de projet et le travail coopératif en équipe. Ces expériences coopératives pourraient être reproduites dans leurs futures classes.

Une autre évaluation dès la formation en visant la transformation de celle qui parasite aujourd’hui tout le processus éducatif et le parcours de l’élève et détermine comme une fatalité l’orientation.

L’établissement scolaire est un lieu de formation, ancré sur un territoire il relève de situations (sociales, géographiques, économiques) différentes et donc se créent des demandes et provoquent des besoins spécifiques.

Pour les chefs d’établissement : une formation initiale et continue pour la dimension « animation des équipes pédagogiques » de leur profession, sans oublier la connaissance des différentes pratiques pédagogiques possibles.

« Les personnels d'encadrement (personnels de direction et d'inspection), pleinement investis dans leur rôle d'animation des équipes pédagogiques, sont également des points d'appui essentiels pour une évolution des pratiques pédagogiques au service de la réussite de tous les élèves. »

 

Compte à rebours : 2016, 2017

Que restera-t-il de cette réforme, certes elle était timide et ses réécritures successives l’ont vidée petit à petit de sa substance ? Il restera des techniques, des modalités qui ne fâchent personne – mais ne satisfont personne non plus – et toujours sans cet esprit porteur : une école émancipatrice pour tous les enfants quelles que soient leurs différences et leurs origines.

Les pratiques déjà existantes avant la réforme et qui allaient nettement plus loin ne risquent-elles pas d’être compromises si elles ne sont pas dans des établissements dits innovants ?

L’arrivée de la droite dans tous les départements a déjà cassé assez vite le peu d’élan progressif qu’il y avait dans certains territoires.

Ma crainte : le manque d’ambition et de courage du gouvernement sur l’Éducation n’a pas permis de construire des fondations suffisamment solides pour résister aux flux inévitables du changement de majorité.

Les programmes qu’ils soient des Républicains ou du Front national, eux, ne seront pas timides. La concurrence, l’individualisme, la sélection, le choix de l’établissement, l’orientation précoce… et j’en passe pour ne pas sombrer dans la dépression seront au rendez-vous.

 

 

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