14 Octobre 2017
Prendre le bus, c’est non seulement rejoindre une gare, un rendez-vous… mais c’est aussi s’immerger dans un petit bout d’humanité.
C’est ce que je me disais hier matin en regardant ces hommes et ces femmes autour de moi, à la fois si différents et pareils. À côté de moi se tenait un homme d’un âge certain et de grande taille. Devant nous quatre femmes vêtues de tenues africaines aux multiples couleurs, l’une d’entre elles parlait sans réserve. L’homme près de moi se mit à râler sur elle, sur son sans-gêne, son manque d’éducation, son allure… il me regardait, croyant sans doute trouver une alliée à son mécontentement. Je lui fis remarquer posément que ce n’était pas très grave, que c’était une manière de s’exprimer, qu’être dans un bus, c’était aussi être au milieu de nombreuses personnes toutes aussi différentes les unes que les autres… et que je préférais entendre une voix humaine même un peu forte plutôt qu’une série de klaxons énervés ou les incessantes sirènes de police. Les quatre femmes s’étaient tues et nous écoutaient. L’homme continuait à râler… Alors la femme ciblée se retourna et interpella l’homme sur ses propos qui pour elle, étaient racistes.
L’homme assura qu’il n’était pas raciste, car une de ses amies était noire !
Alors, il se passa quelque chose d’inattendu. Toutes les femmes de couleur du bus qu’elles soient d’origine africaine ou antillaise, du devant du bus à l’arrière du bus s’exprimèrent !
Et ce n’était pas directement sur les propos racistes de l’homme, c’était une remontée de ressentis, un flux de reproches sur ce qu’elles vivaient en France. L’une après l’autre, elles ont énuméré ce qu’elles éprouvaient professionnellement, les métiers humiliants que nous les « blancs » nous ne voulions pas faire : le ménage dans les entreprises très tôt le matin, la toilette des malades dans les hôpitaux, le ramassage des poubelles, les travaux pénibles dans la rue, dans la construction, etc. L’homme s’est tu.
Au terminus, il est descendu du bus sans se retourner, suivi par les femmes qui continuaient leurs reproches.
J’ai pris le chemin de la gare et les voix se sont éloignées.
Il fallait quand même que le sentiment d’injustice, de discrimination professionnelle soit très fort pour qu’il remonte ainsi sans pudeur à la suite d’une remarque d’un homme grincheux. Ce qui montre bien que les répercussions des politiques coloniales de la France des plus lointaines aux plus proches sont très présentes.
Qu’en ressortira-t-il pour cet homme ? Je ne sais pas
Un moment de réflexion pour les autres voyageurs du bus, peut-être ?
Une suggestion : proposer aux élus nationaux et territoriaux, aux membres du gouvernement des stages réguliers dans les transports en commun, aux heures de pointe, mais aussi très tôt le matin et tard le soir, à Paris et dans les banlieues. Ils auraient à leur disposition un rapport vivant sur la société !