29 Novembre 2024
Un texte écrit il y a quelques années, mais toujours actuel...
Samedi après-midi, je rentrais d’une réunion associative à Saint-Denis et étais tranquillement assise dans le métro de la ligne 13 à une des six places face à face près de la porte.
Beaucoup de monde, mais c’est normal sur cette ligne.
À l’une des stations, monte un homme qui fait la manche et interpelle la charité des voyageurs. Je ne le vois pas, mais je l’entends.
Un jeune homme accompagné de son amie, un chien à leurs pieds lui offre alors une cigarette. L’homme le remercie et continue d’avancer dans la rame. L’homme assis en face de moi, la quarantaine, capuche sur la tête interpelle le jeune homme et lui demande une cigarette.
- Je ne peux pas, j’en ai si peu… j’ai donné à cet homme une cigarette, car que je n’avais rien d’autre. Mais je ne pouvais pas rien lui donner, je comprends trop bien sa situation. Comme lui, nous sommes également dans la galère et souvent nous faisons la manche si nous voulons manger. Mais je peux te donner de quoi te rouler une cigarette, j’ai encore un peu de tabac.
- J’aime pas les cigarettes roulées, mais c’est quel tabac, on sait jamais ?
- Bon, si tu es si difficile, c‘est que tu ne dois pas être en manque, je garde mon tabac.
L’homme à capuche marmonne et descends à la prochaine station : Saint-Lazare.
Un peu moins de monde dans la voiture et je regarde le jeune homme, sa compagne et le chien.
Le couple est très jeune, la jeune fille est plus que mince, ils se donnent la main. Une force douce s’échappe d’eux. Le chien est couché à leurs pieds, un œil bleu et un œil noir bien ouverts, son regard est tranquille.
Cet épisode petit en temps et si grand en humanité m’a touché énormément. Ce don – une cigarette – pourrait vous sembler anodin, pourtant pour ce jeune homme, il était certainement plus important que la pièce qu’on donne parfois, car c’était tout ce qu’il possédait.
Une belle démonstration de solidarité de ces deux jeunes, certes, mais aussi celle de l’incapacité de notre société d’inclure sa jeunesse. De plus en plus de jeunes sont comme eux exclus de leurs droits fondamentaux et sont obligés de vivre dans la misère et dans l’incertitude du lendemain. Souvent ils sont invisibles, sauf quand ils font la manche… car quand ils dorment dans le métro ou dans la rue, qui les voit ?
Invisibles également dans les programmes politiques qui quand ils parlent de la jeunesse, s’adressent à celle qui étudie dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités… On y parle alors de programmes scolaires, d’orientation, de filières, de formation en alternance… pour obtenir un diplôme et un métier. Mais comme il y a peu d’offres d’emploi, les stages, les petits jobs… vont représenter le seul avenir professionnel offert aux jeunes – et quand ils en trouvent ! Les revenus proposés ne leur permettent pas une once d’autonomie financière. S’ils n’ont pas leur famille pour les aider, les loger… ils se retrouvent vite en galère.
Je ne parle pas bien sûr, des jeunes qui ont les bons réseaux familiaux et peuvent se préparer à un bel avenir professionnel. Mais ils ne représentent qu’une petite partie.
En délaissant la jeunesse, les politiques mettent en danger l’avenir de notre société, qu’il soit politique, économique, environnemental… Mais qui s’en soucie, les attendus du court terme l’emportent toujours sur ceux du long.