12 Novembre 2018
Les repères annuels sont toujours en consultation, mais ils ont été publiés le 9 novembre… Comme pour les ajustements de programme cet été, l’avis des enseignants et de leurs représentants est méprisé.
Je viens de parcourir les repères annuels en français (29 pages) et pour l'Enseignement moral et civique (1,5 page) pour le CP. Ce sont des directives tout simplement. Pour un enseignant avec un peu de bouteille, il peut relativiser et continuer ce qu’il faisait… mais pour un plus jeune, le plus souvent sans formation avec peu de temps et d’espaces disponibles pour échanger avec les autres, pour lire, se documenter… ces repères sont un véritable guide.
Ils disqualifient le métier d’enseignement pour faire des professeurs des techniciens, des exécutants responsables des réussites ou des échecs des élèves aux attendus décrétés de fin d’année.
1. Repères pour le français au CP
L’enfant n’a pas de place dans ces repères, c’est un élève anonyme sans lien avec ce qu’il est, ce qu’il vit avant et après les heures de classe. Chaque moment est utilitaire, explicité, programmé en fonction de ses possibilités et des attendus de fin d’année.
Le fil conducteur est l’apprentissage systématique des correspondances graphèmes-phonèmes (CGP) avec bien entendu le codage, le décodage, l’automatisation, la mémorisation, la performance, la réduction aux seules techniques de tout ce qui est parole, lecture et écriture. Un guidage permanent par le professeur lui-même guidé par ce document, tout est cadré, prévu, anticipé, minuté… de la prise de parole à l’écriture de quelques lignes en passant par la lecture et l’étude de la langue.
Tout se prépare, se programme, l’imprévu n’a aucune place. L’oral, l’écrit, la lecture… sont des fonctions scolaires séparées de la vie.
L’élève lit et écrit pour s’exercer et non pas par plaisir. Sa performance le cantonne dans des formes de textes à lire ou à écrire décidées par l’enseignant. La fluidité, la rapidité sont les préalables, des frontières à la lecture et à l’écriture de textes qui font penser, rêver, sourire, pleurer… tout ce qui construit l’humain. Beaucoup d’enfants risquent ainsi d’être privés de ces lectures pendant que d’autres auront double ration : la maison et l’école.
L’élève semble bien seul dans la classe, même dans les moments collectifs réduits le plus souvent à des exercices dirigés par l’enseignant.
Les attendus de fin d’année et les exemples de réussite sont très ambitieux et beaucoup d’élèves en seront exclus. L’estime de soi, le confiance dans l’école de l’enfant seront blessées et dés la première année de l’école élémentaire. Le fatalisme, le « ce n’est pas pour moi » s’ancreront et orienteront petit à petit l’enfant vers des voies de formation qui ne lui ressemblent pas.
Ces repères aggravent les inégalités entre les élèves dans la classe, mais aussi entre les écoles selon les territoires, car les « attendus de fin d’année » y seront plus ou moins réalisés. Certaines familles se mettront en recherche d’établissements aux meilleurs résultats.
L’école publique des pauvres et l’école publique des plus favorisés ! Quant aux classes supérieures, l’école privée leur tend les bras !
Quelques illustrations
- L’apprentissage systématique des correspondances graphèmes-phonèmes (CGP) s’effectue tout au long de l’année et débute dès la rentrée à un rythme soutenu de 2 correspondances par semaine à partir de graphèmes réguliers, fréquents et facilement prononçables pour atteindre 12 à 15 CGP en fin de période 1.
- La correction des structures syntaxiques erronées est systématique pour permettre à l’élève de mémoriser correctement les formulations attendues.
- Les élèves expérimentent les variations de la voix en fonction de l’effet désiré. Ils apprennent à articuler les mots, à lever le regard en direction de leur auditoire, même lors de lecture à voix haute (préparée).
-Tout au long de l’année, l’identification des mots écrits est soutenue par un travail de mémorisation de formes orthographiques visant à automatiser le décodage.
- L’apprentissage du décodage autonome de mots et de courtes phrases permet de travailler l’intégration du sens au sein de la phrase.
- En période 1, les élèves décodent des syllabes puis des mots simples. Ils accèdent à la compréhension du code de l’écrit grâce à des phrases puis des textes que les élèves sont capables de déchiffrer en fonction de la progression de l’étude des CGP. Cet apprentissage est progressivement automatisé, en lien avec des activités d’écriture.
- Tout au long de l’année, l’identification des mots écrits est soutenue par un travail de mémorisation de formes orthographiques visant à automatiser le décodage.
- La lecture à voix haute est une activité essentielle pour faire progresser les élèves qui maîtrisent le décodage, mais qui restent lents en lecture de textes.
- À partir des périodes 3 ou 4 au plus tard, ces élèves doivent lire à plusieurs reprises (5 fois par exemple) des textes de plus en plus longs, jusqu'à parvenir à une fluence d'au moins 50 mots par minute en fin d'année.
- Tout au long de l’année, les élèves poursuivent le travail sur la fluidité du geste graphique.
- Les élèves rédigent des écrits courts porteurs de sens d’une à cinq lignes (éventuellement partie d’un écrit long) en articulation avec l’apprentissage de la lecture. Ils s’appuient sur les textes de lecture pour les transformer sur quelques points seulement.
- Il est nécessaire de s’assurer de la maîtrise du principe alphabétique de la langue dés le début du CP. Les élèves doivent pouvoir se représenter les liens entre la langue orale et la langue écrite, avoir compris que l’écrit code l’oral.
- Dès la première semaine, les élèves abordent l’étude des correspondances graphèmes phonèmes. Ils étudient 14 CGP en période 1. Ils ont étudié toutes les CGP en fin d’année.
- Dès le début de l’année, les élèves mémorisent l’orthographe de mots fréquents à partir d’activités orales et écrites spécifiques (épellation, copie et dictée de mots sous toutes leurs formes). La mémorisation orthographique s’appuie d’abord sur la connaissance des CGP étudiées.
2. Repères pour l’Enseignement moral et civique (EMC) au CP
Très court, on identifie, on n’apprend pas, on n’exerce pas.
Respecter autrui
On est dans l’apport moral de l’enseignant, le bon comportement, la politesse, le respect de l’adulte, la bonne hygiène.
L’élève est seulement « sensibilisé » aux droits de l’enfant pas à leur exercice. L’enfant acteur ? ce serait trop révolutionnaire !
L’empathie, la connaissance et la compréhension de l’autre, la sensibilité, l’écoute, l’entraide, la coopération… naturelles encore à cet âge sont laissées à la porte de la classe. Il faudra les enseigner plus tard, alors qu’exercées régulièrement elles seraient présentes au collège, au lycée…
Acquérir et partager les valeurs de la République
L’apprentissage de la citoyenneté se réduit à l’exercice de « la prise de décision à la majorité », à l’identification des principes et valeurs de l’école (pas ceux de la République ?), à celle du drapeau français, de la Marseillaise, de la langue de la République : le français.
C’est ignorer que les principes et valeurs ne prennent sens que dans leur exercice, dans les situations concrètes qui jalonnent les journées dans la classe, dans la cour, sur le chemin de l’école... Le débat, les discussions qui en résultent permettent l’établissement d’un cadre respectueux de ces valeurs, de règles de vie...
Exercer la fraternité au quotidien, la liberté en respectant celle de ses camarades, comprendre l’égalité humaine (origines, fille-garçon) construisent l’enfant citoyen et sa partie « élève » s’en portera mieux.
Pour lire tous les repères : http://eduscol.education.fr/pid38211/consultation-reperes-et-attendus.html